Français d'islam
Français d’islam
The "Post-Charlie" in France has seen the emergence of a spirit of citizenship and exceptional humanity, which said no to terrorism and yes to diversity. The vision of a united and multi-ethnic France is beautiful and reassuring. And coherent with the image of a country that has always claimed its role as the homeland of human rights. But this scenario still leaves a glimpse of the gray areas.
The French Muslims, must face, unfortunately, two belonging identities, but they don’t want to have to choose between the French and Muslim one. They would like to be part of both identities.
Their handwritten witnesses concern us and challenge us all. They show sincerity and honesty through their worries and their doubts. But all of them show a common feeling: "We love France and will stay here! »
For my book “We are French and Muslim” (2010), I met ordinary people who wanted to reconcile their French nationality with their Islamic faith. I photographed the serenity of their daily lives in color. Since then, Mohammed Mérah has murdered French jews and soldiers in and around the city of Toulouse, and earlier this year, religious fanatics massacred the Charlie Hebdo journalists. These new black and white portraits of the Muslims I previously photographed explore how these events have affected their lives.
Français d’islam
En 2010, à l’occasion de la réalisation d’un documentaire photographique, nous avions rencontré pour la première fois ces « Français d’islam » aux quatre coins de l’Hexagone. Nous avions alors partagé avec eux des moments de leur vie quotidienne, en les suivant dans leurs activités professionnelles, leurs engagements associatifs et politiques, leurs loisirs mais aussi leur intimité familiale. Dans un climat de confiance réciproque, ils s’étaient livrés à notre objectif, avec sans doute l’espoir à peine voilé de combattre pacifiquement les prêts-à-clichés islamiques qui font souvent la Une des hebdomadaires et de la presse à scandale, prouvant ainsi que l’on pouvait adorer Allah sans répudier Marianne. Musulmans heureux, citoyens respectueux, ils entendent casser la « force du préjugé » selon lequel un musulman qui réussit socialement finit par délaisser au fil du temps sa religion d’origine, comme si le conformisme social était synonyme d’une « mise aux normes » à la fois culturelle et spirituelle. Or, au contraire, ces Français d’islam, qui pour la plupart ont connu des success stories fulgurantes dans les domaines professionnel, sportif, politique ou médiatique, n’éprouvent aucune honte à vivre et à pratiquer leur foi au quotidien. Refusant de vivre cachés en « musulmans honteux », ils revendiquent ouvertement leur islamité en harmonie avec leur citoyenneté.
Cinq ans plus tard, en 2015, une question presque obsédante nous trotte dans la tête : que sont devenus ces Français d’islam saisis en 2010 par l’œil de notre objectif ? Il est vrai que cette question n’est pas totalement dénuée de sens au regard d’une actualité française et internationale particulièrement dramatique : l’escapade sanglante d’un Mohamed Merah qui assassine froidement des écoliers toulousains parce que juifs et des militaires incarnant une autorité qu’il prétend rejeter ; des jeunes jihadistes qui devant la caméra brûlent leur passeport français en affirmant leur allégeance exclusive à l’islam ; et le paroxysme de l’horreur, des terroristes de la branche hexagonale de Daesch ou d’Al Qaeda exterminent à la manière d’un « commando de la mort » des dessinateurs pour avoir osé caricaturer leur prophète. Loin de nous l’intention de lancer à ces Français d’islam une injonction à se distancier des criminels, ou pire, à s’excuser des actes de terreur commis par leurs soi-disant coreligionnaires. Notre intention n’est pas de revenir les photographier cinq ans plus tard pour qu’ils se « justifient » ou qu’ils se « repentent » devant l’objectif. La photographe, ici, n’est ni juge, ni éducatrice ni thérapeute. Elle est simplement témoin de son époque, aussi tourmentée soit-elle. A travers la pellicule, elle se contente de saisir les traces d’un traumatisme à la fois intime et collectif, sans émettre le moindre jugement moral. Ici, l’image parle d’elle-même. Elle constitue une épreuve de vie et de vérité. L’accord tacite donné au photographe afin qu’il poursuivre son œuvre est en soi un message d’espoir : en 2015, les croyants musulmans n’ont pas répudié Marianne. Malgré le contexte de suspicion générale, ils sont toujours des citoyens heureux et refusent de vivre en musulmans honteux. Par l’image, ils expriment le même désir : « La France, nous l’aimons et nous y resterons ! ».