[En cours] Birkenau, une écologie de la mémoire
[Work in progress]
Three years ago, I began to work in the former extermination camp of Birkenau (Auschwitz II - Birkenau). This project is a reflection on the transmission of the memory at a time when the last witnesses of the Shoah are dying out.
In this context, my initial question was to know if - beyond historiography, testimonies and memorials - a form of intrinsic memory could be preserved and perpetuated in the places themselves. I was therefore interested in the relationship between the remains of this historic site and its territory, its landscape, its topology, the evolution of the forests, the composition of the soil and its movements, the presence of animals and their interactions in the environment.
Through several examples, I have tried to show that beyond any human factor, a memory of its own emerges from the multitude of living links that are woven in the complex ecology of ruins.
This memory does not function like a library or a museum. If it preserves memories and knowledge, it confronts us above all with the transformations that time never ceases to operate in the matter. Thus, it underlines even more the overwhelming fragility of the material remains of the Shoah. Can the memory of one of the worst crimes in history be transmitted to future generations if the little that remains disappears?
[Série en cours]
Il y a trois ans, j’ai débuté un travail de photographie et d’écriture dans le périmètre de l’ancien camp d’extermination de Birkenau (Auschwitz II - Birkenau). Ce projet se propose de réfléchir à la transmission de la mémoire de la Shoah à l’heure où les derniers témoins des évènements s’éteignent.
Dans ce contexte, ma question de départ était de savoir si — au-delà de l’historiographie, des témoignages et des mémoriaux — une forme de mémoire intrinsèque pouvait s’être conservée et perpétuée dans les lieux mêmes. Je me suis pour cela intéressé au rapport qui unit les vestiges de ce lieu historique à son territoire, son paysage, sa topologie, à l’évolution des forêts, à la composition du sol et à ses mouvements, à la présence des animaux et à leurs interactions dans l’environnement.
À travers plusieurs exemples, j’ai essayé de montrer qu’au-delà de tout facteur humain une mémoire propre émerge de la multitude des liens vivants qui se tissent dans la complexe écologie des ruines.
Cette mémoire ne fonctionne pas comme une bibliothèque ou un musée. Si elle conserve des souvenirs et des savoirs, elle nous met surtout face aux transformations que le temps ne cesse d’opérer dans la matière. Ainsi, elle souligne encore plus l’écrasante fragilité des restes matériels de la Shoah.
Auschwitz-Birkenau est en effet le seul camp nazi à avoir gardé suffisamment de traces pour nous aider à en comprendre le statut dans le processus d’extermination des Juifs d’Europe. Mais ces restes sont infimes et leur dégradation progressive nous pose face à un problème majeur : le souvenir d’un des pires crimes de l’histoire pourra-t-il être transmis aux générations futures si le peu qui en demeure disparaît ?