Partout et nulle part
Partout et nulle part
Elles s'appelaient Alisha, Stéphanie, Doriane, Marie-Claire. Elles habitaient de
grandes villes ou de petites communes disséminées à travers la France. Elles
avaient 14, 22, 32 et 72 ans. Un jour, leur nom est apparu dans les pages du
Parisien, de Ouest France ou de Var Matin. Le titre annonçait : “Féminicide, le
compagnon en détention provisoire”. Les articles étaient parfois accompagnés d’une
photographie sur laquelle figuraient des véhicules aux gyrophares tournoyants, des
cordons de sécurité et des agents de la police scientifique. Le lendemain, ce “fait
divers”, que l’on appelle encore trop souvent “crime passionnel”, était chassé par un
autre.
Toutes ces femmes ont un point commun : celui d’avoir été tuées par leur mari,
ex-compagnon, par un amant ou un prétendant. Les chiffres sont effrayants : on
dénombre plus de cent féminicides chaque année entre 2019 et 2021. Souvent, la
victime a déposé plainte au commissariat avant les faits. Il est évident que ce
phénomène de société n’est encore que trop rarement sérieusement considéré et
qu’une prise de conscience collective suivie de réformes concrètes peuvent - et
doivent - à l’avenir sauver ces vies.
Le lit d’une rivière, une exploitation agricole, une barre d’immeuble, une forêt de
pins. Les endroits où ces femmes sont mortes sont simples et ordinaires. Les
images que j’y ai prises cherchent à révéler l’invisible. Qu’il s’agisse de paysages ou
d’intérieurs, ce vide volontaire au centre du cadre renvoie à la disparition de chaque
victime, à son absence, à un silence.